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lundi 20 mars 2017

Femmes à la rue

En marchant dans les rues de Dublin, il est désormais devenu habituel de passer devant des formes humaines couchées sur le trottoir, emmaillotées dans des duvets salis ou dans des châles usés, parfois  un gobelet en plastique posé devant elles.

 Depuis deux ou trois ans, leur nombre a augmenté au point que le passant pressé de se rendre à Grafton Street pour faire ses emplettes, en longeant le parc Stephen's Green, devra éviter de piétiner ces corps sans visage en les contournant tous les trois ou quatre mètres.

Une femme assise à même le sol, dans le froid humide du printemps irlandais, son enfant serré contre elle, enveloppés tous deux dans une vieille parka, tendra sans conviction un gobelet, et l'enfant regardera le marcheur avec des yeux bleus un peu honteux et effrayés.


Grafton Street, Dublin

Parallèlement à la crise du logement, l'Irlande connaît une autre crise qui affecte hommes, femmes et, de plus en plus souvent, enfants. Le nombre des sans-domicile-fixe a explosé pour atteindre ces dernières années un pic sans précédent depuis la chute du Tigre celtique en 2009 et la mise en place des politiques d'austérité imposées à l'Irlande.

Focus Ireland, une organisation de charité pour les sans-abris, a publié en mars 2017, une étude portant sur la présence des femmes dans la rue - souvent accompagnées de leurs enfants.

Selon l'organisation, l'Irlande a connu une augmentation de 96% du nombre de femmes sans-abris sur deux ans. Les femmes comptent maintenant pour 42% du total des sans-abris passant de 1.017 en 2015 à 1.997 en 2017. Le nombre d'enfants sans-abris est passé pour la même période de 865 à 2.407.

Dublin
Les femmes sans-domicile-fixe en Irlande se heurtent au manque de mesures gouvernementales les concernant. La plupart de ces mesures sont essentiellement centrées sur les hommes à la rue. Les refuges et autres aides ne concernent pour l'instant que très peu les femmes et leurs enfants. Focus Ireland demande donc au gouvernement irlandais de changer sa vision du problème dans les plus brefs délais afin d'éviter des drames à venir.

Souvent, ces femmes sont victimes de violences domestiques, violences accentuées par la crise économique et du logement que connaît actuellement l'Irlande. Du jour au lendemain, ces femmes se retrouvent jetées à la rue avec leurs enfants, sans recours ni support de leur famille, bien souvent dans la même situation qu'elles.

Une fois dans la rue, elles ont à faire face aux problèmes de violences physiques, de drogue ou de prostitution et doivent se battre pour leur survie quotidienne et celle de leurs enfants.


Homeless Period Organisation

Venue de Grande-Bretagne, une association se bat pour leur venir en aide et les aider à survivre dans la rue. The Homeless Period a ainsi installé des points de collection dans les plus grandes villes pour les donations de serviettes hygiéniques et de tampons.

Des organisations caritatives comme Sonas se mettent en place pour aider les femmes victimes de violences à se reloger - du moins temporairement. Mais face au nombre grandissant de femmes et d'enfants à la rue ,le gouvernement devra se pencher sur le problème et prendre des mesures au plus vite.

D'ici là, les enfants aux yeux honteux n'ont pas fini de regarder avec crainte les passants indifférents chargés de leurs sacs Zara ou Brown Thomas, le Galeries Lafayette dublinois.






vendredi 10 mars 2017

Titanic Museum, Belfast


Belfast. Une histoire compliquée qui n'en finit pas de se rappeler à notre bon souvenir. Mais aussi, un musée gigantesque, inauguré le 31 mars 2012. Construit sur trois ans, le Titanic Museum s'élance sur les anciens chantiers navals de Belfast, d'où le Titanic est sorti.

Construit en forme d'étoile, il possède quatre immenses proues, toutes à l'échelle de celle du navire. Conçu sur 6 étages, il offre un fabuleux parcours, qui va de la construction du navire à son lancement, en passant par l'histoire industrielle de Belfast et, bien sûr, par le naufrage du 12 mars 1912.

Titanic Museum sur les Docks de Belfast


Titanic Museum



Dans les salles du musée, les visiteurs peuvent s'essayer à lancer des messages en morse, avec bip-bip "distress call" en fond sonore. Ils plongent également, à bord de mini-télécabines dans les entrailles de la forge du chantier naval, avec ouvriers à la tâche et bruits metalliques à l'ambiance infernale.


La mise à l'eau du Titanic

Les passagers sont avec nous. Nous sommes parmi les passagers. Ils nous regardent, droit dans les yeux. Les visiteurs se taisent - les enfants s'arrêtent de courir, pour regarder le petit garçon jouer sur le pont, juste avant le départ. On assiste à l'embarquement du dernier canot, parti des quais  de Southampton pour rejoindre le géant au large. On regarde, fascinés, la dernière photo du Titanic, en partance pour New York.

Un passager posant pour une photo avant le départ

Un père et son fils avant le départ


Le Titanic en partance pour New York
Le bateau coule en moins de 3 heures, à 2h 20 du matin, après avoir heurté l'iceberg. Sur 2.224 passagers, 1.514 périront. Dans la salle des rescapés, la température chute brutalement. Nous sommes dans les glaces avec eux, piégés par les eaux gelées.

Nous voyons les images, venues du fond des océans grâce au robot sous-marin lancé vers l'épave en 1985 : des chaussures de femmes et d'enfants, des assiettes brisées, des pots de chambre, et la baignoire du capitaine Smith - intacte.

Le portique du chantier naval Harland & Wolff sur lequel le Titanic a été construit et lancé à l'eau

Titanic Museum
Sortir du Titanic Museum est comme changer d'espace-temps. Un voyage de 104 ans en arrière dont le visiteur a pu réchapper pour reprendre le cours de sa vie, loin des profondeurs de l'océan glacé.

dimanche 5 mars 2017

Magdalene Sisters : Découverte de fosses communes

On se souvient du film de Peter Mullan sorti en 2012, The Magdalene Sisters décrivant le calvaire vécu par trois jeunes filles irlandaises dans une institution religieuse avec la bénédiction de leur famille, de la société et de l'Etat.

Des années 1930 à 1998, des centaines de jeunes filles et d' "unmarried mothers" (filles-mères) se sont retrouvé enfermées dans ces Mother and Children Home à travers tout le pays, contraintes de travailler pour le compte des religieuses.


Couvent de Tuam. Mother and Children Home


Les enfants nés dans ces institutions étaient séparés de leur mère dès la naissance et laissés aux bons soins des soeurs. La plupart a survécu mais bon nombre ont succombé au manque de soins et aux maladies infantiles.

En 2013, le gouvernement irlandais présentait des excuses officielles aux femmes qui avaient été enfermées dans les couvents des Magdalene Sisters.

En 2014, une historienne originaire de Galway, Catherine Corless, alarmait l'opinion en affirmant avoir retrouvé des centaines de certificats de décès de bébés et de jeunes enfants pour le couvent du Bon Secours de Tuam, dans le comté de Galway. Elle précisait n'avoir retrouvé que deux sépultures archivées et posait la question de savoir où les autres enfants avaient été enterrés.


Couvent Magdalene Sisters


L'historienne rappelait également que, dans les années 1970, il était commun de voir dans les environs des enfants jouer avec des crânes ou des os. Une femme témoignait avoir vu, en 1975, un enfant jouer avec un crâne planté au bout d'un bâton qu'il faisait tournoyer. Un homme affirmait que la plupart des maisons construites dans les années 1970 autour du couvent l'avaient été au-dessus de sépultures clandestines.

Mais jusque-là, aucune preuve tangible de l'existence de ces tombes sans nom. A l'époque, les autorités religieuses avaient crié au scandale et avaient nié les faits.

Cette semaine, la découverte de fosses communes autour du couvent a confirmé les dires de l'historienne et contredit les accusations du clergé.

Comme l'historienne l'avait prédit, les reste de plus de 800 bébés et enfants ont été découverts dans une cavité en béton, prévue à l'origine pour servir de fosse septique. Les analyses ont révélé que les restes appartenaient à des enfants allant de 35 semaines à 3 ans, enterrés dans les années 1950. Le couvent de Tuam a été fermé en 1961.

La Commission de juges formée par le gouvernement irlandais à la suite des révélations de 2014 entendent ces jours-ci des femmes ayant été enfermées dans ce couvent à cette époque. Elles sont âgées d'environ 80 ans de nos jours mais n'ont rien oublié de leur calvaire. Toutes racontent l'impossibilité dans laquelle elles se trouvaient une fois dehors de revoir leur enfant. Les soeurs leur fermaient la porte au nez, et cela, comme une des témoins le raconte, même si la mère avait fait plusieurs dizaines de kilomètres à vélo pour tenter de revoir son enfant.


Couvent Magdalene Sisters


Un homme né dans un de ces couvents raconte son enfance avec les religieuses jusqu'à l'âge de 5 ans. Il décrit une "prison" plus qu'un "centre d'accueil" où les enfants n'avaient aucun accès à l'extérieur et ne recevaient aucune chaleur humaine. A tel point qu'ils n'avaient jamais entendu parler de Noël jusqu'à leur placement dans des familles d'accueil.

On estime qu'environ 1.600 "filles-mères" sont actuellement enterrées dans les cimetières irlandais sans plaque ni nom.